Octobre est déjà pas mal entamé et ce matin, dans les Laurentides, le rouge des érables a fait place aux bruns-or des Mélèzes, des chênes et des hêtres, l'air est froid et la lumière est claire.
Nous approchons tranquillement de Samhain (nuit du 31 Octobre), le dernier portail avant la grande descente jusqu'au bout de la spirale, ce voyage dans le monde d'en bas, cette moitié sombre de l'année.
La nature se dépouille de tous ses atours, la sève est redescendue dans les racines, ça sent le humus, la terre entre dans sa phase de décomposition, la mort de ce qui était, cette lente transformation à l'issue de laquelle ne reste que l'essentiel.
Dans la tradition Celtique, c'était le moment de rentrer les dernières récoltes, mais on laissait une gerbe coupée dans chaque champ, comme une offrande à la Mère de toute vie, car pendant les mois sombres, la terre appartient aux esprits. Une façon d'honorer les ancêtres, de ne pas inviter la famine en étant trop avide et d'appeler l'abondance pour les prochaines semailles.
Cette dernière gerbe s'appelait "la vielle femme" - Cailleach en Gaellique ou Baba en Europe de l'Est.
Cette période de l'année correspond à la phase pré-menstruelle du cycle féminin, ce moment de grande vulnérabilité juste avant de saigner, ce bout où "I loose my shit" (je perds le contrôle), c'est inconfortable mais très puissant, cet abandon involontaire du contrôle libère une profonde énergie instinctive qui défie tout ce qui est poli et "acceptable", c'est souvent des larmes, une explosion d'émotions fortes (colère, break down) ou un manque soudain de censure qui ont l'air de sortir de nulle part.
S'autoriser à "lâcher le contrôle" et permettre à l'énergie organique profonde de circuler librement est tellement puissant. C'est un soulagement pour la psyché. Nous relâchons la pression. Tout le superflus prend le bord, nous permettant d'être plus en contact avec nous-mêmes, avec notre instinct et notre intuition, nos racines profondes, nos origines. Un aller direct de retour à soi. C'est la visionnaire, la sorcière, celle qui voit dans l'obscurité, celle qui sait, cette sagesse intrinsèque héritée de nos ancêtres.
C'est intéressant d'observer comment encore aujourd'hui lors des festivités d'halloween, la sorcière est encore très présente. Rappelons-nous que dans les temps anciens, les sorcières n'était pas ces vielles femmes laides et bossues mangeuses de petits enfants, mais des femmes libres, sauvages, non soumises au diktat (non mariées) en étroite connexion avec la nature, ses remèdes, ces cycles et les mystères de la vie (guérisseuses, passeuses et sages-femmes).
Celles qui me connaissent savent mon affection pour Baba Yaga, cette vieille femme indomptée qui fait régner la terreur parce qu'elle peut tout détruire d'un coup, ne supportant pas l'injustice, le mensonge et l'abus de pouvoir. On ne peut pas la duper! Dans son essence, c'est la Kali Occidentale, le feu purificateur qui dévore tout ce qui n'est pas enligné, ne laissant dans ses cendres fumantes que ce qui est vrai.
Et toi, quelle place fais tu dans ta vie à ta femme sauvage?
Pour nous rafraîchir la mémoire, c'est le temps de relire le conte de Vassilissa dans le livre "Femmes qui courent avec les loups" de Clarissa Pinkola Estes - ma bible - et si vous n'avez pas encore cet ouvrage, c'est le temps de courir l'acheter! Ce livre est un must qui nous accompagne lors de toutes les étapes de notre vie de femme.
En Octobre, le monde végétal se décompose, la putréfaction commence son oeuvre, en dehors comme en dedans les couleurs s'estompent, c'est aussi la confirmation de notre mortalité, ce passage inévitable, cette fameuse chose sur laquelle nous n'avons aucun contrôle....
Ça me confronte dans mes attachements, ces espaces confortables que je n'ai plus besoin de remettre en question. Ça shake la cabane de mes prétentions, ces acquis, ce sofa douillet sur lequel je m'assieds.
Cette ultime initiation fait surgir toutes nos peurs
Elle met en relief nos traumas, tout ce qu'on avait mis sous le tapis pour être "acceptable" et "aimable". Parce qu'à un moment donné, nous arrivons toutes à cette constatation : face à la mort je suis seule.
Vraiment?
Effectivement ce passage initiatique est un travail individuel et solitaire, mais nous ne sommes jamais "seule". Lorsque je prends le temps d'observer la nature, je sais que tout n'est que transformation, que la mort n'est pas une fin en soi, qu'elle est ce processus alchimique qui me permet de lâcher ce que je ne suis plus pour me permettre de devenir, de grandir, de progresser et d'accoucher de moi-même.
S'abandonner complétement. Mais à qui et à quoi?
La vie et la mort ne sont que les 2 facettes d'une seule et même chose, le Grand Mystère, cette grande aventure sur cette planète.
La source originelle, la Mère Éternelle, indéfinissable, énigmatique, un amour si profond et si vaste, que les baleines et les montagnes, les vers de terre et les galaxies, les esprits et les cœurs, tout devient un en elle.
Elle nous porte depuis notre premier souffle, elle nous aime d'un amour inconditionnel, elle vit à travers nos ancêtres, nos lignées, et notre descendance, elle est cette chaleur en nous, cet endroit où nous nous souvenons...
Son amour n'est pas quelque chose que nous devons gagner ou mériter, c'est notre propre essence, qui nous SOMMES et avons toujours été.
Nous ne pouvons jamais être trop ou pas assez pour elle, son amour nous porte TOUTES, telles que nous sommes.
Pourtant, en tant que filles de lignées maternelles ancestrales traversant des siècles de patriarcat, pour beaucoup d'entre nous, le cordon ombilical qui nous relie à notre Mère Source - la terre, le cosmos et la VIE elle-même - est rempli de tant de nœuds, de blessures et de peurs, que ça en est devenu la norme.
Ce sentiment de ne pas être soutenue.
De ne pas en avoir assez. De ne pas être assez.
Se sentir trahie, abandonnée.
Cette quête sans fin pour être bonne.
Se contorsionner pour mériter l'amour.
La honte, la peur d'être vue.
La tension. Le surmenage, la réflexion excessive.
Toutes les façons dont nous nous délaissons, dont nous nous sacrifions,
ignorant notre désir primal et légitime de joie et de liberté.
Mais à travers tout ça, notre cœur se souvient, n'est-ce pas?
La douce chaleur de son étreinte...
Alors que nous plongeons plus profondément dans l'obscurité de l'automne, à l'heure du grand dépouillement & des multiples deuils, les cellules de notre corps murmurent dans la nuit ces mémoires de se savoir en sécurité et soutenue.
Notre âme n'a pas oublié l'extase de lâcher-prise, de s'abandonner en s'offrant sans résistance, dans la confiance absolue d'être portée. Tout comme la fleur tend son cou délicat vers le soleil, l'intelligence innée de la vie elle-même continue de nous guider vers notre vraie nature.
J'en profite pour t'inviter à ralentir, à prendre du temps seule, à aller te promener en nature, sentir les feuilles sous tes pieds, la terre moite et le humus, à te laisser traverser par ce courant d'énergie puissant, à laisser émerger ce qui monte, même si tu ne comprends pas toujours d'où ça vient, te laisser pleurer ces deuils, ces renoncements, crier, bouger, inspirer profondément cet air vif, et laisser aller.... Offrir consciemment et en gratitude à la mort ce dont tu ne veux plus, ce qui ne te sers plus. C'est aussi parfois de laisser aller ce que la vie nous enlève, contre notre gré...
Prendre des temps de silence, écouter, reposer ton corps et ton esprit.
Accueillir les traumas du passé. En prendre soin, les reconnaître et les aimer pour les guérir, pour se guérir, s'en libérer et libérer nos lignées.
Se connecter à nos ancêtres et remercier pour tout le bon qui nous a été légué.
Nous sommes la réponse aux prières de nos ancêtres
Je nous souhaite ultimement, d'honorer nos origines pour nous souvenir de qui nous sommes réellement.
Mais surtout, n'oublions jamais que notre intuition est cette lanterne qui nous guide dans les heures les plus sombres, elle connaît le chemin pour rentrer à la maison.
Je vous souffle plein de douceur pour cette période (un peu, beaucoup) chaotique et dans la joie de vivre ce rituel puissant avec vous, en présence ou par les liens du coeur.
xx
Claire d'eau
Texte et illustrations : Moonsistars
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